52%, c’est la proportion de femmes dans le monde. Un léger avantage sur le nombre d’hommes et pourtant, si l’on arrivait sur Terre, et notamment en Europe aujourd’hui, n’ayant pour seul indicateur de la composition de l’espèce humaine que les médias alors on pourrait penser que la répartition hommes/femmes serait plutôt de l’ordre de 80/20. Parce que oui, bien qu’aujourd’hui les femmes occupent de plus en plus de postes à responsabilité (même si la parité n’est pas encore atteinte), leur part de voix dans les médias est sous-représentée. Si l’on se penche quelques instants sur l’image que ce déséquilibre renvoie, on peut conclure que les femmes sont simplement moins expertes que les hommes lorsqu’il s’agit de représenter une entreprise, une organisation et d’incarner une vision. En tant que femme, qui plus est communicante, je ne peux que m’insurger. La vérité est évidemment ailleurs : depuis trop longtemps, et dès leur enfance, les femmes sont porteuses de stéréotypes qui les rendraient moins légitimes pour représenter un groupe, une opinion. Pour quelles raisons ? C’est là que le bât blesse. Les femmes sont aussi diplômées que les hommes et disposent des mêmes compétences, à poste égal. Serait-ce alors un manque d’ambition ? Je pencherai davantage pour un formatage si bien ancré dans l’inconscient que beaucoup ne voient plus le déséquilibre, qui semble normal.
Alors bien sûr, l’équilibre hommes/femmes est encore bien insuffisant dans un certain nombre de secteurs d’activités, notamment la technologie ce qui complexifie plus encore la parité médiatique sur ces sujets. Cercle vicieux, ce manque de parité initial peut d’ailleurs lui-même décourager les femmes à se lancer dans des carrières dans le numérique.
Heureusement, les choses changent, les gens aussi et les militants pour l’égalité prennent de plus en plus la parole. L’exemple de HEC et Polytechnique est parlant : les deux grandes écoles ont cette année publié une photo de leur partenariat sur Twitter sur laquelle seuls des hommes étaient présents. Une photo qui a vite fait polémique dans la mesure où le panel de présents ne reflétait ni diversité de genre, ni diversité ethnique. De nombreuses entreprises technologiques s’engagent pour faire évoluer les mentalités. Certaines se lancent par exemple dans l’éducation des jeunes femmes pour les inciter à envisager des carrières dans les nouvelles technologies, tel Kaspersky. Elles communiquent aussi de plus en plus pour pallier ces besoins de parité dans le monde d’aujourd’hui. Si l’on se félicite que la sous-représentativité des femmes commence enfin à s’interroger, voire à être condamnée, on ne peut pourtant pas se satisfaire de constater, il faut agir.
Des stéréotypes ancrés, qui font douter les femmes sur leur légitimité
Sheryl Sandberg, numéro 2 de Facebook, explique dans son livre Lean In que les femmes, lorsqu’elles se voient offrir un poste à responsabilités ont tendance à douter de leurs compétences et de leur légitimité pour ce nouveau rôle, là où les hommes se projetteront aussitôt dans la prochaine étape. Bien sûr ce sont des généralités, mais je n’ai pas encore rencontré de femmes qui ne se reconnaissent pas dans ce propos. Les femmes seraient-elles moins compétentes que les hommes ? Evidemment non ! Est-ce qu’elles sont intrinsèquement convaincues qu’elles le sont ? Peut-être. C’est justement pour cette raison qu’en tant que spécialiste de la communication, nous nous devons d’agir pour que les femmes prennent davantage la parole dans les médias et s’expriment sur la scène publique.
On ne peut pas revenir en arrière, sur des siècles de communication positionnant le rôle des femmes et le rôle des hommes comme foncièrement différents au sein de la société. Mais nous pouvons, nous devons, aujourd’hui agir pour que les femmes soient aussi représentées que leurs homologues. N’est-ce pas là le rôle de la communication que de changer les préjugés et les à priori ? Qu’ils soient intrinsèques aux femmes, mais aussi présents chez les hommes pour démontrer que oui, les femmes sont expertes, et oui, elles prennent la parole. Elles représentent la moitié de la population humaine, la moitié des citoyens qui travaillent, votent et agissent au quotidien pour la société et dans la société. Elles ont donc leur place dans ce qui représente la vitrine d’une société : ses médias.
Il reste encore un long chemin à parcourir. Une étude menée en interne par l’AFP en 2018 expose que 86% de sources journalistiques proviennent d’hommes. 80% des experts cités sont aussi des hommes. La représentativité des femmes dans les illustrations médiatiques est souvent cantonnée aux catastrophes naturelles et aux drames frappant la population civile.
Pourtant, la majorité des journalistes ne réalisent pas ce déséquilibre. L’audience elle-même ne le remarque plus car ces inégalités de représentation existent depuis toujours, et sont ancrées dans l’inconscient. Faut-il faire de la discrimination positive ? Faire des actions concrètes dans le milieu journalistique pour inclure davantage les femmes ? Ou faut-il plutôt casser les codes et inculquer l’égalité dès le plus jeune âge ?
Il n’y a sans doute pas de solution miracle mais en tant que communicants, j’estime que nous avons une part de responsabilité. A nous d’être plus inclusifs. Nous sommes en grande partie la source sur laquelle se basent les médias, à nous donc de présenter et de préparer plus de femmes, et de participer à faire de l’égalité de la représentativité une habitude.
Par où commencer ?
Je dirige une agence de communication. L’une de nos missions principales consiste à mettre en relation des porte-parole d’entreprises ou d’organisations avec les médias pour présenter leurs messages, opinions, stratégies et vision.
Je n’ai pas la prétention de vouloir réformer tout un secteur, mais comme Pierre Rabhi, en bon colibri, je voudrais m’assurer que nous effectuions notre part. La première étape est aussi simple que d’encourager nos clients à équilibrer les genres parmi leurs porte-parole. En commençant simplement par les interroger : est-ce que l’entreprise dispose d’autant d’experts masculins que féminins ? Est-ce qu’ils prennent la parole à la même fréquence ? Pour trouver la solution, ne faut-il pas d’abord avoir identifié le problème ?
Dans un second temps, nous pouvons accompagner et former davantage de femmes à la prise de parole en public, accompagnements destinés aux femmes. Souvent, lors de table-rondes ou panels, on constate que des hommes monopolisent la parole, voire même parfois l’espace physique, forçant les femmes à se mettre en retrait sur les deux plans. Des techniques simples peuvent aider les femmes à s’imposer pour que le « manspreading » et le « mansplaining » ne deviennent qu’un lointain souvenir.
Enfin, au quotidien, nous avons la possibilité de mettre en avant des personnalités en proposant des interviews d‘experts. Positionnons nos expertes, autant que leurs homologues masculins et aidons les journalistes à améliorer l’équilibre entre les genres dans leurs médias.
Demain, si l’on prend les choses en main, la prise de parole sur la scène médiatique illustrera l’expertise de chacun, de l’habilité à aborder des sujets de société et d’apporter une réponse, un œil expert, et non pas du genre.
L’exercice autocritique mené par les médias est courageux. C’est une première pierre. Les communicants doivent se sentir concernés, et participer au changement auquel notre société aspire.